Pourquoi les troncs d’arbres peints en blanc envahissent les villes africaines

Dans les rues de Dakar, Abidjan ou Bamako, impossible de passer à côté : des milliers d'arbres arborent un étrange « pantalon » blanc à leur base. Loin d'être un simple effet esthétique, cette technique millénaire connaît un regain d'intérêt auprès des municipalités africaines.

Une réponse africaine aux défis climatiques urbains

Le spectacle est devenu familier dans la plupart des capitales ouest-africaines : des rangées d’arbres dont les troncs sont badigeonnés de blanc jusqu’à un mètre de hauteur. Cette pratique, connue sous le nom de chaulage, s’impose progressivement comme une réponse économique et écologique aux stress que subissent les arbres en milieu urbain tropical.

« Avec les températures qui dépassent régulièrement 40°C à Dakar pendant la saison sèche, nos arbres souffrent énormément », explique Aminata Diop, ingénieure agronome au service des Espaces verts de la ville. « Le badigeon à la chaux agit comme une protection solaire naturelle, réfléchissant jusqu’à 70% des rayons du soleil et permettant ainsi à l’écorce de rester 10 à 15 degrés plus fraîche. »

Cette technique ancestrale, importée des régions méditerranéennes mais adaptée au contexte africain, gagne du terrain face aux pesticides chimiques coûteux et polluants. Dans un contexte où les municipalités disposent de budgets limités, le chaulage représente une alternative accessible : un sac de chaux de 25 kg coûte entre 3 000 et 5 000 FCFA et permet de traiter plusieurs dizaines d’arbres.

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Un bouclier naturel contre les parasites tropicaux

Au-delà de la protection thermique, le badigeon blanc constitue une barrière redoutable contre les insectes ravageurs qui prolifèrent sous les climats chauds et humides. Les termites, véritables fléaux des arbres urbains au Sénégal, au Mali ou en Côte d’Ivoire, trouvent dans l’alcalinité de la chaux un environnement hostile.

Dr. Mamadou Konaté, entomologiste à l’Université Cheikh Anta Diop, détaille le mécanisme : « La chaux crée un pH très basique, autour de 12, qui dessèche et repousse naturellement les termites, les pucerons et de nombreux autres insectes xylophages. C’est un insecticide biologique particulièrement efficace sous nos latitudes. »

Les champignons, qui se développent rapidement pendant la saison des pluies et provoquent des maladies comme la gommose ou le chancre, sont également neutralisés par les propriétés antifongiques du mélange. Cette double action préventive prolonge considérablement la durée de vie des plantations urbaines.

Des bienfaits méconnus pour l’écosystème urbain

Si la dimension esthétique du chaulage divise, ses bénéfices environnementaux font l’unanimité chez les spécialistes. En protégeant les arbres des fissures causées par les écarts thermiques brutaux, le badigeon préserve leur capacité à stocker du CO2 et à produire de l’oxygène.

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« Un arbre urbain en bonne santé peut absorber jusqu’à 25 kg de CO2 par an », rappelle Fatou Sall, responsable du programme Arbres et Climat à l’ONG Enda Energie. « Dans des villes comme Dakar où la pollution atmosphérique devient préoccupante, maintenir nos arbres en vie n’est pas un luxe, c’est une nécessité sanitaire. »

La peinture blanche améliore également la visibilité nocturne des arbres plantés en bordure de route, réduisant ainsi les accidents. Plusieurs municipalités, comme celle de Thiès, ont d’ailleurs intégré le chaulage dans leurs programmes de sécurité routière.

Mode d’emploi : comment appliquer le badigeon correctement

La réussite du chaulage repose sur une préparation minutieuse. Les jardiniers professionnels recommandent d’intervenir idéalement en début de saison sèche, entre novembre et décembre, lorsque les températures commencent à grimper mais que l’écorce reste relativement propre.

La recette traditionnelle mélange de la chaux vive (ou chaux éteinte), de l’eau et parfois un liant comme de l’argile ou de la bouse de vache pour améliorer l’adhérence. « Le dosage est crucial », insiste Ibrahima Ndiaye, jardinier municipal depuis quinze ans à Rufisque. « Trop liquide, le mélange coule sans couvrir. Trop épais, il craquelle et tombe. Il faut viser une consistance de yaourt brassé. »

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L’application se fait au pinceau large ou au pulvérisateur, en couvrant le tronc depuis le sol jusqu’à la première fourche, généralement entre 80 cm et 1,20 m de hauteur. Un renouvellement annuel est nécessaire, car les pluies de l’hivernage lessivent progressivement la protection.

Vers une généralisation en Afrique de l’Ouest ?

Face au succès de cette méthode écologique et économique, plusieurs pays ouest-africains envisagent d’en faire une pratique standard dans leurs politiques de verdissement urbain. Le Burkina Faso a lancé en 2024 une campagne nationale de chaulage touchant 50 000 arbres dans sept villes principales.

« C’est une technique low-tech qui peut être mise en œuvre avec des moyens locaux, sans dépendance aux importations chimiques », souligne Pierre Ouattara, conseiller en développement urbain durable pour plusieurs capitales sahéliennes. « Dans le contexte de l’adaptation au changement climatique, ces solutions simples et transmissibles sont précieuses. »

Reste que certains experts appellent à la prudence. Le chaulage ne dispense pas d’un arrosage régulier, d’une taille appropriée et d’une surveillance phytosanitaire. « C’est un outil parmi d’autres dans la trousse du jardinier urbain », nuance Aminata Diop. « Mais un outil particulièrement bien adapté à nos réalités africaines. »

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Alors que les villes du continent continuent leur expansion démographique effrénée, ces troncs peints en blanc rappellent qu’il existe des solutions locales, accessibles et efficaces pour préserver la nature en milieu urbain. Un symbole d’espoir végétal dans la jungle de béton.

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